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US Open : le tennis tente de se faire une petite place au milieu des polémiques

Novak Djokovic va-t-il conserver le même niveau de motivation après avoir décroché l’ultime succès lui manquant – l’or olympique – à Paris, le 4 août ? Carlos Alcaraz digérera-t-il sa déception aux Jeux olympiques, lui qui avait réussi à remporter coup sur coup Roland-Garros et Wimbledon ? A domicile, Coco Gauff parviendra-t-elle à conserver son titre acquis de haute lutte face à Aryna Sabalenka, favorite désignée cette année ?
Avant les premiers coups de raquette à l’US Open – le dernier Grand Chelem de la saison débutant lundi 26 août –, les questions sont nombreuses et les enjeux sportifs partout. Pourtant, les conversations du côté de Flushing Meadows (New York) s’intéressent davantage à l’extérieur des courts : il n’y en a que pour le clostébol, ou presque. Cette substance interdite a été détectée par deux fois dans les urines du numéro 1 mondial Jannik Sinner en mars, lors du tournoi d’Indian Wells (Californie) et avant celui de Miami (Floride). Le stéroïde anabolisant s’est retrouvé dans son organisme à la suite de massages de son kiné, qui avait utilisé un spray en contenant sur sa propre main pour se soigner. Voilà en tout cas la version défendue par l’Italien, et celle acceptée par l’Agence internationale pour l’intégrité du tennis, qui a décidé de blanchir le vainqueur du dernier Open d’Australie, le 20 août.
Durant près de six mois, Jannik Sinner a donc joué aux quatre coins du monde avec la menace d’une de suspension de quatre ans. Mais sans avoir à répondre de ces accusations, puisqu’elles n’ont jamais filtré en public ou dans la presse. « Je crois que j’ai continué à jouer au tennis parce que, dans mon esprit, je savais que je n’avais rien fait de mal », s’est défendu le placide Italien, pas habitué à dire un mot plus haut que l’autre.
Il n’empêche, le voilà pris dans une petite tempête qu’une partie du vestiaire ne cherche pas à calmer. « On vous teste deux fois avec une substance interdite… vous devriez être suspendu pendant deux ans », s’est emporté l’Australien Nick Kyrgios sur X (ex-Twitter). Comme d’autres, le Français Lucas Pouille a remis en question les traitements de faveur dont bénéficient les stars du circuit. « Pour moi, on n’est pas jugé de la même manière en fonction de qui on est. Je trouve qu’il y a un manque de transparence au niveau des instances », a-t-il dénoncé dans L’Equipe. Récemment, le Suédois Mikael Ymer a été suspendu dix-huit mois pour avoir manqué trois contrôles antidopage, quand la Roumaine Simona Halep avait été immédiatement interdite de tournois après un contrôle positif en octobre 2022.
Suspendue ensuite durant quatre ans, l’ex-numéro une mondiale avait vu sa peine être ramenée en appel à neuf mois, lui permettant de retrouver le chemin des courts en mars 2024. « J’espère que les instances dirigeantes de notre sport sauront tirer les leçons de cette affaire. Je pense qu’il faut collectivement un changement », a résumé Novak Djokovic dimanche, lorsqu’il a été interrogé sur la situation de Jannik Sinner.
Malgré son « soulagement », Jannick Sinner sait que cette polémique va sérieusement ternir son image. Il a d’ailleurs confirmé, lors de sa première conférence de presse à New York – entièrement consacrée à ses déboires extrasportifs –, s’être séparé de son préparateur physique, Umberto Ferrara, et de son kinésithérapeute, Giacomo Naldi. « A cause de ces erreurs, je ne me sens pas assez en confiance pour continuer [avec eux] », a expliqué le droitier de 23 ans.
Si l’Italien parvient à laisser ses soucis à la porte des courts et à aller au bout de l’US Open, il empochera 3,6 millions de dollars (environ 3,2 millions d’euros), la même somme que la vainqueure du tableau féminin. La parité est désormais de mise dans les quatre levées du Grand Chelem, mais pas le reste de la saison. A Cincinnati (Ohio), à la mi-août, l’Italien est ainsi reparti avec un trophée assorti d’un chèque deux fois plus important que celui remis à Aryna Sabalenka, vainqueure du tournoi chez les femmes.
« Les femmes méritent d’être payées autant que les hommes. Du point de vue de la télévision, de la vente des billets, de tous les points de vue, c’est injuste », a déclaré la Biélorusse dans une interview au Guardian. La numéro 2 mondiale, double vainqueure de l’Open d’Australie, s’ajoute à la longue liste des stars du circuit féminin ayant dénoncé les différences de rémunérations avec ces messieurs.
La question de l’égalité salariale n’agite pas l’US Open pour la première fois. En 1972, Billie Jean King n’avait pas beaucoup apprécié que sa victoire soit récompensée par un chèque de 10 000 dollars, quand le Roumain Ilie Nastase était reparti avec 2,5 fois plus. Remontée, l’Américaine avait menacé les organisateurs d’un boycott général l’année suivante si les émoluments n’étaient pas les mêmes dans les deux tableaux, et avait obtenu gain de cause.
Plus récemment, Gilles Simon avait déclenché une passe d’armes à distance avec les stars du circuit féminin en estimant, en 2012, que « l’égalité des salaires hommes-femmes ne marche pas dans le sport », arguant que les hommes offrent « un spectacle plus attrayant [que les femmes]. En Grand Chelem, les hommes passent deux fois plus de temps sur le court que les femmes [leurs matchs sont en trois sets gagnants, deux pour les femmes]. » L’ex-numéro un mondiale, Maria Sharapova, avait sèchement répliqué : « Je crois que mes matchs sont regardés par plus de monde que les siens. »
Entre les déboires extrasportifs de Jannik Sinner et la question de l’égalité salariale dans le tennis, la dimension sportive de l’US Open 2024 semble, pour le moment, n’être pas une priorité. Au moins, Rafael Nadal ayant déclaré forfait depuis longtemps, la quinzaine new-yorkaise s’épargnera la désormais éternelle question de sa retraite.
Valentin Moinard
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